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Pourquoi les Français font (presque toujours) grève ? (café avec Johan 9)

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Transcription de la vidéo :

Salut, très chers amis ! Bienvenue dans ce nouvel épisode de Café Avec Johan. Je te rappelle que, dans ces épisodes, je te parle d’une façon tout à fait spontanée. On fait pas de montage. L’idée, c’est de partager avec toi des idées ou des faits, des choses qui se passent dans le monde et en France en particulier. Et je fais tout ça en buvant mon café.

Le sujet d’aujourd’hui, il est à la fois amusant, je vais te dire pourquoi dans un instant, mais aussi un peu négatif pour la France et son développement économique. Il s’agit des « grèves ». Peut-être que tu te demandes pourquoi, dès qu’il y a un problème en France, tac, grève générale. Tout le monde arrête de travailler et tout le monde proteste et se plaint. Et il faut avouer, tu vois, si on est honnête ou si je suis honnête en tant que Français, que la grève, c’est un petit peu dans l’ADN des Français, ça coule un petit peu dans nos veines.

Quand je travaillais en Autriche… et c’est pour ça, là, c’est un peu le côté amusant. Quand je travaillais en Autriche, mes collègues, ils se moquaient tout le temps de moi. Ils disaient… mais gentiment hein, c’était des choses assez sympathiques entre nous. Comme on dit en français, ils me charriaient, ça veut dire ils se moquaient de moi très gentiment en disant : « Vous, les Français, vous faites toujours grève ». Quand on devait prendre l’avion avec mes collègues autrichiens ou allemands pour aller en France, ils me disaient : « Oh la la, j’espère qu’il n’y aura pas de grève quand on va arriver à Paris ». Donc, il y avait ce côté un petit peu amusant et un petit peu taquin de leur côté.

Moi, j’ai le souvenir que, quand j’étais enfant, en 95… 95, ‘fin, j’étais plus enfant, j’avais 13 ans, il y a eu les grandes grèves sous le gouvernement d’Alain Juppé. Et je me souviens très bien, en fait, c’était l’hiver, il faisait froid, beaucoup de monde faisait grève, on n’entendait parler que de ça à la télé, le pays était bloqué.

Je me souviens, un peu plus tard, en 2006, les grèves contre le contrat première embauche. C’était en fait un contrat que voulait mettre en place le gouvernement de Dominique de Villepin pour que les jeunes trouvent plus facilement un travail. L’idée, c’était de dire, comme les jeunes, il y avait un chômage élevé chez les jeunes, c’est encore le cas aujourd’hui, mais l’idée c’était de dire « on va faire en sorte que ce soit facile pour les entreprises d’embaucher un jeune ». Et on a donc voulu… parce que ça a été annulé à cause des grèves, on a voulu créer ce contrat première embauche dans lequel c’était facile d’embaucher un jeune et c’était aussi facile les deux premières années d’arrêter le contrat. Donc, l’idée, c’était de dire « on va mettre en place une grande flexibilité pour que les jeunes aient un travail plus facilement ». Résultat : des grèves, le pays bloqué, et ça n’a jamais été mis en place.

La dernière fois que je suis rentré en France, moi je suis plus en France hein, ou c’était plutôt l’avant-dernière fois, parce que là je suis rentré il y a pas longtemps, mais l’avant-dernière fois, quand je suis rentré en France, il y avait des grandes grèves de trains. J’ai eu des gros soucis de planification parce que je devais aller à Paris. Et finalement, j’ai eu de la chance de ne pas être bloqué.

Donc, tu vois, ce sont des exemples concrets que je te donne. Il suffit de toute façon de regarder les nouvelles pour entendre parler de grèves de trains, donc, SNCF, RATP, les transports en commun parisiens, les contrôleurs aériens dans les aéroports, les taxis, etc.

Donc, dans cette vidéo… J’ai fait quelques petites recherches là sur le sujet, et dans cette vidéo, on va essayer de remonter 200 ans en arrière pour comprendre cette spécialité française qui est la grève et on va avancer progressivement en fait pour parler des retraites, puisque c’est un sujet actuellement. Le problème des retraites cause ou entraîne des grèves. Et bien sûr, on passera par le Front populaire que tu connais peut-être, dont tu as peut-être déjà entendu parler. Je te parle du vrai front populaire de 1936 et pas de ce qu’ils ont appelé à gauche récemment le Nouveau Front populaire, vraiment celui de 1936, qui fait partie de l’histoire de France. Et bien sûr, on parlera de mai 68.

Je t’ai fait une petite fiche PDF aussi avec mes notes sous forme de points que tu peux télécharger. C’est le premier lien dans la description. Tu peux le faire maintenant si tu as envie de suivre mon raisonnement ou alors tu écoutes tout simplement cette vidéo comme un podcast.

Je vais prendre un petit peu de café.

J’ai dû rigoler dans les commentaires lors d’une dernière vidéo parce que quelqu’un m’a dit : « Johan, c’est désagréable. Si tu continues de boire du café pendant tes vidéos Café Avec Johan, eh bien je ne regarderai plus ». Et la fois d’avant, j’avais eu quelqu’un qui m’avait dit : « Ce serait sympa, Johan, que tu continues de boire du café ». Je ne sais pas quoi dire. Je fais de mon mieux. J’essaie de partager en tout cas des informations qui, je l’espère, seront pertinentes. Après, que je boive mon café ou pas, je pense pas que ce soit le plus important. En tout cas, inutile d’être champion du monde de l’histoire de France ou de la connaissance de l’histoire de France pour comprendre que la France, c’est la championne des révolutions.

1789 est une date gravée dans l’histoire de France et dans la mémoire des Français. Ça a été une sorte de big bang, une sorte d’explosion, parce que c’est l’année du début de la Révolution française. En tout cas, le symbole… la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, ça reste le symbole de l’arrivée de la République en France et de la Révolution, parce qu’avant 1789, le roi décide de tout et le peuple subit… tu vas comprendre les liens avec les grèves hein… le peuple subit d’une façon docile et il ne peut rien faire. Et la Révolution, en 1789, ça a été le premier vrai « non », un grand « non » collectif et massif. À l’époque, on disait, « contester le pouvoir, c’est être patriote ». Donc, ça a vraiment été la première fois dans l’histoire où tout le peuple s’est révolté.

Mais, bien sûr, c’est que le début. Beaucoup pensent, beaucoup ne connaissent que la Révolution de 1789. On appelle ça d’ailleurs en France… en français, on dit « la Révolution ». Mais, en fait, il y a pas eu qu’une révolution en France. Celle de 1789, ça a été la première, mais il y en a eu trois, voire quatre, des révolutions. Donc, 1789, bien sûr, on a eu la fin de la monarchie absolue. Mais on a eu 1830. Donc, c’est pas très longtemps après. C’est quoi ? C’est 40 ans… Attends, non, 31 ans après. J’essaie de calculer. 1789, ça fait bien 41 ans après. 41 ans après, on a eu ce qu’on a appelé « les Trois Glorieuses », puisque c’était trois jours de révolution entre deux monarchies.

J’en parle en profondeur dans un module de l’académie, dans lequel je parle de l’histoire de France, de la Révolution jusqu’à nos jours, et j’explique un peu comment sont arrivées les Première, Deuxième, Troisième, Quatrième, Cinquième République, les Deux Empires, etc. Et donc, dans ce module… là, je vais juste expliquer très brièvement… je te dis que la Révolution de 1789 n’a pas mis fin à la monarchie, elle a pas mis fin définitivement à la monarchie, on a eu après ce qu’on a appelé des « Restaurations », où la monarchie est revenue au pouvoir, notamment après la… on a eu la Première République, on a eu l’Empire de Napoléon Bonaparte, et ensuite, on a eu des Restaurations, la monarchie est revenue. Et en 1830, on a eu une première, ‘fin, une deuxième révolution assez sanglante, très sanglante même.

En 1848, on a eu la Révolution de Juillet, qui là a mis fin définitivement à la monarchie. On n’a pas eu de monarchie après la Révolution de Février de 1848. Et à l’issue de cette révolution, la Deuxième République a été proclamée en France. On saura ce que ça va donner. On a le neveu de Napoléon Bonaparte qui deviendra président de cette Deuxième République, qui fera ensuite un coup d’État et deviendra empereur, et on aura le Second Empire. Toujours est-il que 1848, grosse révolution.

Et en 1871, donc, après la chute de Napoléon III, l’empereur du Second Empire, le neveu de Napoléon Bonaparte, qui a en fait déclaré la guerre à la Prusse, et la Prusse a gagné la guerre en 1870. Et en 1871, on a eu la Commune de Paris, qui a été en fait un moment pendant lequel les ouvriers ont littéralement pris le pouvoir à Paris pendant 2 mois. Ça, on va en parler dans la deuxième partie.

Donc, tu vois, on a eu, à partir de 1789, un peuple français qui n’arrêtait pas de faire tomber ses gouvernements les uns après les autres. En 81 ans, on a eu quatre révolutions majeures. Aucun autre pays du monde n’a eu ça. Les Français, c’était vraiment les spécialistes du redémarrage politique. On faisait un reset à chaque fois, comme si on appuyait sur un bouton d’ordinateur pour redémarrer. Et en fait, il y avait un message caché : « Si ça nous plaît pas, nous, on change tout ».

Et ça, on a beau dire, cette histoire, ça a créé une sorte d’héritage psychologique, c’est-à-dire que dans les grèves modernes, on garde cette idée en tête. Il y a déjà une méfiance envers l’autorité qui est dans nos gènes, je pense, parce que c’est lié à cette histoire. Il y a une idée plutôt ouvrière qui consiste à dire, « si on ne fait rien, eh bien ils vont en profiter, ils vont profiter de nous, et on a une légitimité de la révolte qui est acquise », c’est-à-dire que les Français comprennent parfaitement qu’on puisse contester l’autorité en fait, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays.

Et donc, on va voir ce qui s’est passé au XIXe siècle, parce qu’on a eu un petit changement, un petit basculement en France, qu’on ressent encore aujourd’hui. Parce que le XIXe siècle, il a marqué le passage de la révolution, comme on vient de le voir, aux grèves. Changement. Mais au final, c’est une idée qui est proche, parce qu’après 1870, ça devenait un petit peu compliqué de faire grève, puisque la République était définitivement installée, donc, on avait un peu plus de liberté, le peuple votait plus ou moins, pas tout le monde, on le sait, mais en tout cas on avait mis en place un certain nombre de choses pour que le peuple ne se révolte plus.

Il y a plus de monarchie, plus d’empire, donc, on a… les gens se sont demandé : « Comment on va contester maintenant ? » Et la réponse a été la grève. En plus, le pays était plus industrialisé, donc, il y avait plus d’ouvriers qu’avant. Avant, c’était plutôt des paysans. Et d’ailleurs, les grèves… pardon, les révoltes étaient fortement faites par les paysans. Là, on est passé dans un monde un peu plus industrialisé, et donc, la révolution a laissé sa place aux grèves. C’est donc une évolution, puisqu’on passe d’une révolution politique à une révolution sociale. C’est toute la différence.

Et le tournant, ça a été la Commune de Paris, dont j’ai parlé brièvement juste avant, en 1871. Ça a été ça, le tournant, puisque les ouvriers parisiens ont pris le pouvoir pendant 2 mois. Donc, ils ont réussi à diriger la ville d’une manière presque autonome. Il y a eu des répressions sanglantes. On estime qu’il y a eu 20 000 morts. Et le message était que la révolution ne suffit plus, en fait. Il faut des moyens qui sont moins radicaux, moins durs, mais tout aussi efficaces. Et comme je l’ai dit, l’industrialisation, le fait que la France soit devenue non plus un pays complètement agricole, mais un pays partiellement industriel, ça a donné un certain nombre de clés au peuple, puisque les ouvriers ils ont découvert qu’ensemble ils avaient un pouvoir, en fait. C’est là que sont nés les syndicats, des gens qui sont là pour veiller aux intérêts des ouvriers, des employés.

Donc, la grève, c’est devenu une arme économique redoutable, puisqu’il suffisait de s’arrêter de travailler, l’usine ne tournait plus et, donc, on ne pouvait plus vendre les produits. Donc, c’était impensable pour ceux qui possédaient les usines que celles-ci ne fonctionnent pas. Donc, on a eu cette arme qui est apparue et qui a donné lieu à une solidarité de classe. Les ouvriers sont devenus solidaires entre eux. Ils travaillaient ensemble parce qu’ils avaient le même intérêt.

Et c’est à partir de ce moment-là qu’on a commencé à avoir ce qu’on appelle « les acquis sociaux », ce qui est devenu aujourd’hui un mythe, on parle beaucoup d’acquis sociaux, qui est de dire « tout ce qu’on a gagné, tous les avantages que les salariés ont obtenus, ils les ont obtenus en se battant », que ce soit les congés payés, la sécurité sociale, les retraites, etc. Donc, il y a cette idée un peu gravée que tout est conquis. On ne nous donne rien. C’est nous qui allons chercher les choses. Rien nous est donné. Et il y a aussi du coup une peur de perdre. Donc, tout ça, ça donne des motivations pour lutter et pour faire grève, tout simplement.

Donc, tu vois un peu en quoi la révolution ou les révolutions françaises et les grèves, anciennes et modernes, sont liées. Ce qui a encore donné… et ce qui est unique, je pense, dans l’histoire de France, et ce qui a donné vraiment toute la portée et l’efficacité aux grèves, c’est la grève joyeuse de 1936, sous ce qu’on a appelé à l’époque le Front populaire.

En fait, Léon Blum est arrivé au pouvoir. Il y a eu une explosion de joie, parce que Léon Blum était pro-ouvrier, etc., donc, il avait fait beaucoup de promesses, et on a eu précédemment des grèves d’occupation dans les usines, avec des ambiances un peu festives, donc, pas vraiment révolutionnaires où on va tout casser. Non, des grèves… une ambiance un peu festive. Il y a eu de grandes négociations plutôt que des grands affrontements. Et c’est sous ce gouvernement que les victoires concrètes vont arriver. Les congés payés sont arrivés. On est passé d’une semaine de travail de 60 heures à 40 heures. Petite… Quand même petite différence, 60 heures, 40 heures. Les premiers départs des ouvriers… premiers départs en vacances ont été vus, puisque avant il y avait pas vraiment de vacances. Donc, là, on a vraiment une ambiance un peu de fête en fait. On va travailler moins, on va avoir des vacances, on va pouvoir en profiter.

Et l’impact psychologique, ça a été… Tu vois, quand on fait grève et qu’on gagne, on a des choses. Donc, la grève, c’est devenu une sorte d’investissement rentable pour certains ouvriers, et ça a été le modèle pour toutes les futures luttes en fait. Dans la mémoire collective française, on a toujours en tête ces acquis sociaux de 1936.

Un autre événement dans l’histoire de France, qui est très très vague, très vaste, pardon, dont on pourrait parler longtemps, et j’ai aussi fait un module de l’Académie Français Authentique sur le sujet, c’est mai 68. Là, ça a littéralement été la démocratisation des grèves et des révoltes, non plus révolution mais révolte.

Ça a commencé par quelques étudiants. Il me semble que c’était à l’université de Nanterre. Un des plus connus, c’est Daniel Cohn-Bendit, qui a fait de la politique par la suite. Et en fait, en trois semaines, on a eu quelques étudiants qui manifestent ou qui se rebellent à 10 millions de grévistes dans le pays. Donc, le pays était complètement paralysé. Le pouvoir gaulliste a été complètement ébranlé.

Donc, encore une fois, là, je peux pas revenir en détail. Si ça t’intéresse, tu peux suivre le module de l’académie sur le sujet, sur mai 68. J’invite tous les membres de l’académie à le faire, puisque ce parcours a été impressionnant en fait, entre quelques étudiants qui manifestent et 10 millions de grévistes dans le pays. À chaque fois que j’en parle et quand j’avais fait les recherches pour le module, je suis toujours abasourdi.

Mais au-delà de cette révolution, cette révolte plutôt, on a eu une sorte de révolution culturelle. On a eu des slogans comme « il est interdit d’interdire ». La grève, c’est devenu un art de vivre français, plus seulement pour les ouvriers, puisque là, on a eu des étudiants, des enseignants, des fonctionnaires qui ont fait grève. Ce qui n’était pas le cas avant. Avant, la grève était plutôt réservée aux ouvriers. Donc, mai 68 a eu un héritage. La contestation est devenue normale. Le droit de grève, c’est un droit fondamental. En France, c’est d’ailleurs protégé par la Constitution française depuis 1946.

Et là, c’est à mon sens, mais on n’a pas tous la même opinion. Mais à mon sens, moi-même, je ne parle qu’en ma personne, l’autorité ayant été remise en cause partout à partir de mai 68, eh bien ça a commencé à créer des générations qui posent problème, parce que quand on refuse l’autorité, quand on refuse d’obéir, eh bien, quelque part, on rompt le contrat social, parce qu’on a besoin d’autorité.

On le voit en France, aujourd’hui. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, parce que la France, c’est mon pays de cœur. J’y suis né, j’y ai grandi, mais je n’y vis plus aujourd’hui en partie, parce que l’autorité me semble sapée. Sapée, ça veut dire… comment trouver un mot simple ? Si on dit que l’autorité est sapée, ça veut dire que l’autorité n’est plus là, l’autorité est malmenée, il y a plus vraiment d’autorité. Il suffit de regarder les journaux français tous les jours pour le voir.

Et ça, on peut pas tout expliquer par mai 68, mais une des raisons, ça a été ça, ça a été qu’on a remis en cause l’autorité. Et on l’a tellement fait qu’aujourd’hui on est dans un pays un peu trop laxiste, à mon sens. À mon sens. C’est mon opinion.

Et tout ça, ça continue en fait. On a des mouvements de grève tout le temps. On a eu les Gilets jaunes, c’était aux alentours de 2018-2019, donc, peu après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Ici, c’était encore une fois nouveau, puisqu’on n’avait pas de syndicats et pas vraiment de leaders. C’était vraiment des petits groupes, un peu partout en France, qui se révoltaient et qui se mettaient au niveau des ronds-points, qui étaient devenus un nouveau lieu de contestation en France. Et ici, c’était clairement une bataille entre la France périphérique, donc, la France des villes ou des villages qui ne sont pas parisiens contre l’élite parisienne. Donc, c’était Paris contre le reste du monde.

Les réseaux sociaux ont changé la donne, parce que c’était facile. Les gens allaient sur Facebook, disaient, « Allez, on se regroupe ici, 100 personnes tel jour à telle heure ». Et donc, c’était facile de se regrouper, contrairement à ce qui pouvait se passer par le passé ou ce qui pouvait se produire par le passé.

Et finalement, ça a marché, encore une fois. C’est ça qui est fou. Ce qui est dingue, c’est que bien souvent, ça marche, en fait. Et Emmanuel Macron, le président, a dû reculer et enlever la fameuse taxe qui posait problème.

On a eu les agriculteurs qui ont été en grève et qui ont manifesté. On a eu des tracteurs sur les Champs-Élysées. Ils mettaient du fumier, donc, c’est littéralement les excréments des animaux, devant les préfectures, ont bloqué certaines autoroutes à des endroits stratégiques. Et ils avaient un gros pouvoir de négociation, parce que les agriculteurs, on en a besoin, donc, ils sont indispensables. Et d’ailleurs, ils travaillent énormément, énormément. Et je peux personnellement comprendre que les agriculteurs soient en colère de ne pas pouvoir vivre de leur travail. Quand on travaille comme ils le font, sept jours sur sept, on peut comprendre qu’on a envie de pouvoir, au minimum, vivre de son travail. Donc, ils ont aussi réussi à avoir certaines choses en manifestant.

Et bien sûr, le grand classique de tout ça, c’est ce qu’on appelle « les réformes des retraites ». À chaque fois qu’on veut modifier l’âge de départ en retraite en France, eh bien, il y a littéralement des mini-révolutions. Je te parlais de 95, 1995, avec Juppé, qui a dû reculer. En 2010, Sarkozy a réussi à passer une retraite, mais c’était compliqué. Il a réussi à passer une réforme des retraites, mais c’était compliqué. En 2023, Macron a utilisé le fameux article 49.3. On en parle dans le premier épisode de Café Avec Johan, que tu peux aller revoir pour comprendre en fait à quel point ça a été compliqué pour lui et à quel point ça l’a mis en difficulté. Et tout ça, ça part, encore une fois, d’une réforme que les Français voulaient éviter. Et à chaque fois, c’est le même scénario, finalement. Les gens ont peur de perdre des acquis pour lesquels leurs ancêtres se sont battus en fait.

On peut se demander pourquoi ça fonctionne. Pourquoi en fait ça marche en France, ces histoires de grève, et ça marche moins dans d’autres pays ? Alors déjà, une des grandes raisons… Et je pense que cette partie est intéressante pour toi, parce que ça peut t’aider à mieux comprendre la France et les Français, en fait.

La première chose qu’il faut comprendre et qui fait que les grèves fonctionnent en France bien souvent, c’est que la France a un système très centralisé, c’est-à-dire que tout se décide à Paris. En Allemagne, on a un État fédéral, c’est-à-dire qu’on a des Länders qui ont un certain pouvoir. Bien sûr qu’on a un pouvoir central, mais les pouvoirs locaux ont une certaine autonomie. Aux États-Unis, c’est pareil, ce sont les États qui ont une grande autonomie. On n’a pas ça en France. Tout se décide à Paris, et donc, si tu bloques Paris, tu bloques la France. Et ça, je pense que c’est un élément qui fait que les grèves fonctionnent, parce que tu as un seul interlocuteur, c’est le gouvernement, parce que c’est lui qui décide de tout, et il est à Paris.

Ensuite, le deuxième point, c’est que la France a essayé de mettre en place un État-providence fort. Donc, c’est-à-dire que l’État se dit : « Moi, je vais protéger tout le monde. Si tu n’as pas de revenu, je vais te protéger, je vais t’aider, je vais te soigner, je vais faire en sorte que tes enfants puissent aller à l’école, je vais te donner de l’argent ». Donc, on a cette idée en fait, cette habitude qui consiste à dire : « Bah c’est pas grave, l’État français est là pour moi ». Donc, s’il y a le moindre problème, eh bien on va voir l’État, parce que l’État est toujours là. Donc, pour faire bouger l’État, le seul moyen, c’est de faire grève. Donc, c’est ce qui fait en fait… c’est cette relation un peu paternaliste, père-enfant, qu’il y a entre l’État et les citoyens qui fait que les grèves vont avoir tendance à fonctionner en France.

Après, et on le voit aujourd’hui avec les réseaux sociaux, les grèves fonctionnent parce que c’est un grand spectacle médiatique. S’il y avait pas de médias, les grèves seraient inutiles en fait. Donc, les Français, ils maîtrisent la comm, les médias français sont très contents de pouvoir tous les jours parler des grèves, puisque ça leur fait vendre du papier et de l’attention. Et d’ailleurs, le timing choisi par les grévistes, c’est souvent au moment des vacances, au moment des élections, au moment de la rentrée scolaire. Donc, ils cherchent en fait à utiliser un bon timing pour que les médias en parlent.

Alors, bien sûr, parfois, ça ne fonctionne pas. Il y a des grèves qui, parfois, vont agacer la population. Et l’opinion publique, c’est elle qui compte, parce que les politiques, s’ils décident d’enlever une réforme, c’est parce qu’ils pensent ne pas pouvoir être réélus, ils veulent faire plaisir à l’opinion publique. Donc, l’opinion publique, si elle est agacée par une grève, eh bien la grève ne marchera pas. Mais, globalement, c’est une stratégie rentable, surtout pour les entreprises qui ont un grand pouvoir de nuisance, qui peuvent beaucoup gêner la population, notamment la SNCF, qui est la Société Nationale des Chemins de Fer et qui fait la grève le plus souvent, et c’est très facile pour elle de mettre pression parce que beaucoup de gens utilisent les trains, beaucoup de gens utilisent les transports à Paris, et donc, la SNCF peut facilement faire pression sur le gouvernement.

Alors, qu’en pensent nos amis étrangers ou à l’étranger ? Je sais que l’incompréhension internationale est totale pour avoir échangé avec beaucoup de monde. Aux États-Unis, la grève, c’est quelque chose de suspect, quand même. Au Japon, la grève, c’est impensable. On ne peut pas imaginer faire grève. En Allemagne, d’après mon expérience, on va plutôt chercher à négocier. Il y a un peu ce rapport de force entre les ouvriers qui veulent une chose, les patrons qui veulent autre chose, mais on a des syndicats un peu plus forts, un peu plus puissants, et des négociations beaucoup plus constructives.

Je me souviens très bien, quand je travaillais dans l’industrie en Allemagne, il y avait beaucoup de menaces de grève. Donc, les syndicats disaient : « Bon, si les patrons n’acceptent pas ça, on fera tous grève », mais j’ai jamais vu de grève. Il y en a eu, mais en général, c’est vraiment le dialogue qui est privilégié.

Et tout ça, en fait, ça met un petit peu… ça crée un certain nombre de clichés sur les Français, puisqu’on dit : « Ben les Français, ils ne pensent qu’à se plaindre, ils ne veulent pas travailler, ils sont toujours en train de faire grève ». Et c’est évidemment trop extrême de le voir comme ça. C’est plus une perception de la réalité qu’autre chose. Les Français font beaucoup grève, ça c’est vrai, mais ils sont pas en train de faire grève tout le temps.

Et ils voient vraiment… Alors, quand je dis… je parle des Français, je parle des Français en général. C’est pas ma vision à moi. Moi, la grève, j’ai jamais fait grève de ma vie, et c’est pas une chose que je… comment dire ? Même si je peux comprendre le sujet, c’est pas une chose qui m’anime personnellement. Mais les Français moyens ont une autre vision de la grève. Pour eux, c’est un outil démocratique au même titre qu’une élection, en fait. C’est pas un échec, c’est un choix. Ils se disent : « On va faire grève, on n’est pas d’accord, on va le dire, on va le montrer et on va négocier ». Les Français voient la grève comme une négociation et pas forcément comme un rapport de force, même s’il y a cette idée de rapport de force dans la grève.

Donc, tu vois un petit peu que c’est un sujet complexe. Et quand on parle de la grève en France, il faut vraiment garder en tête, et j’espère que c’est ce que tu retiendras en partie de cette vidéo, c’est que le fait que les Français fassent grève aujourd’hui, c’est le fruit de plus de 200 ans d’histoire en fait. C’est pas de la paresse, c’est plutôt de la stratégie et des habitudes. C’est se dire : « On va s’arrêter pour mieux changer, pour mieux obtenir ce qu’on veut ». Beaucoup assument que la grève c’est notre spécialité à nous Français. Mais tu vois bien qu’on est parti des révolutions. Ensuite, les révolutions se sont transformées en des grèves et ont fonctionné en 36 avec plein d’acquis sociaux. En 68, on est passé des grèves ouvrières à des grèves plus générales, étudiants, fonctionnaires, etc. avec cette idée de confrontation directe avec l’autorité. Et au fur et à mesure, ça s’est un petit peu accéléré avec les réseaux sociaux, mais on a cette idée vraiment que pour obtenir des choses, il faut faire grève.

Donc, les questions que j’aimerais te poser, c’est : quelle est ton opinion ? On lit chaque commentaire, donc, j’espère vraiment que tu prendras quelques instants pour me dire ce que tu en penses. Que penses-tu des grèves ? Que penses-tu des grèves en France ? Est-ce que tu as déjà fait grève dans ta vie ? Ça m’intéresse vraiment parce que, ici, on confronte des idées, des opinions, et je sais qu’il y a une grande différence entre ce qui se passe en France et ce qui se passe ailleurs. Donc, dis-moi tout ça.

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Merci du fond du cœur de m’avoir suivi aujourd’hui. Et tiens, il y a un truc qui me vient. Si jamais cette vidéo n’atteint pas 1 000 « j’aime », je me mets en grève. Voilà, c’est dit. Merci du fond du cœur et je te dis à très bientôt pour du nouveau contenu en Français Authentique. Salut !